Ils s’appelaient Otto KÜHNE , Fred BUCHER, Werner FEILER, Karl KLAUSING, Willi MULLER, Paul MUNDT, Siegried BERLINER………
Ils venaient d’horizons différents, ils étaient cheminot, tourneur, mécanicien, maçon ou encore artiste de cabaret ou chauffeur de taxi.
Mais tous étaient des opposants au régime d’Hitler. Ils avaient dû fuir leur Patrie laissant derrière eux leur vie passée et pour certains leur famille. Ces Allemands antinazis sont membres du Parti Communiste allemand (KPD) et sont souvent anciens combattants des Brigades Internationales de la Guerre d’Espagne.
Leur entrée dans la Résistance est la continuité d’un combat engagé depuis 1933.
Vraisemblablement, c’est le parcours suivi par OTTO KÜHNE, cheminot, communiste.
Arrêté en février 1933 dans la nuit de l’incendie du Reichstag, il est relâché par erreur et devient un clandestin. Il voyage dans toute l’Europe, de Londres à Moscou, en mission pour l’Union soviétique. Il passe par la 11ème Brigade internationale durant la guerre d’Espagne. A partir de 1938, il est en France. Incorporé au Groupement de travailleurs étrangers de Chanac, il se retrouve aux aciéries de Saint-Chély-D’Apcher dés 1941.
En Octobre 1942, ils étaient 8 ressortissants du Reich. Les conditions de vie et de travail étaient dures.
Le groupe de Saint-Chély va se trouver renforcé tour à tour par Paul Mundt, Johann (Fred) Bucher, Karl Klausing et Müller. Ces camarades se réunissent chez les Berliner, avec Otto Kühne et Werner Feiler.
L’usine employait environ un millier d'hommes, dont plusieurs anciens combattants d’Espagne avec lesquels les ressortissants allemands entretenaient de bons rapports alors qu’ils ont peu de relations avec les ouvriers français.
Cependant, le groupe a resserré les liens avec les résistants du secteur Joseph Huber, les Mahieu, ou même Henri Cordesse, la liaison avec celui-ci étant assurée par Joseph Huber, professeur au cours complémentaire.
Au cours de cette période plusieurs évènements précipitent le départ de ces hommes.
Ainsi, courant février- Mars 1942 la situation devient préoccupante.
Le samedi 20 février et le Dimanche 21, des Juifs à Saint Chély d’Apcher sont arrêtés. En effet dans le plus secret, la préfecture de Mende a préparé une liste de personnes.
Joseph Huber avertit Gilbert de Chambrun, mais l’opération a commencé. La gendarmerie a arrêté deux personnes Skovron et Aïzenstadt (médecins juifs qui travaillaient à l’usine). Ils s’évadent mais Aïzenstadt est repris. Skovron est dirigé par Joseph Huber vers le cours complémentaire au champ de foire. Le lendemain il est amené par Gilbert de Chambrun, Olivier de Framond et Henri Cordesse à la gare de Saint Sauveur de Peyre direction Millau.
Mi Mars 1943, les menaces pèsent toujours sur Saint Chély.
La zone Sud est occupée depuis la fin de 1942 et cette occupation augmente l’insécurité.
Des indices font craindre une action contre le groupe allemand. Aussi Huber n’hésite pas. Le soir même, Kühne, Bucher, Feiler, Klausing et Muller prennent le train pour Marvejols. Avant le départ, le secrétaire de l’usine responsable de l’Action Ouvrière (organisme de résistance), a donné des papiers leur permettant de se déplacer sur une courte durée.
Marcel Pierrel les réceptionnemais il faut les nourrir et leur trouver un toit alors qu’ils ne parlent pas français. Une chambre leur est donnée à l’hôtel-restaurant de la « Mère Teissier » ….en attendant.
Il n’y a qu’une solution : le maquis. Ils sont amenés à Bonnecombe à 1300 métres d’altitude où ils organisent le quotidien dans des conditions climatiques et d’isolement particulièrement dures. Ils vivent dans un abri de bûcherons charbonniers. Le ravitaillement est difficile. Otto Kühne met en place en accord avec ses camarades des consignes strictes pour assurer leur sécurité et leur survie.
Lorsque les menaces d’arrestation se précisent, les Résistants marvejolais déplacent le groupe à plusieurs reprises et fin novembre 1943 Veylet amène ces hommes en Cévennes. Ils se joignent à François Rouan « Montaigne », ancien des Brigades internationales comme eux, à la tête d’un groupe de résistants étrangers.
Otto Kühne devient officier politique, car le maquis Montaigne avait mis en place une section militaire et politique. Ces hommes appartiendront au groupe appelé FTP - M.O.I (Francs Tireurs et Partisans -Main d’Œuvre Immigrée)
Solidaires du maquis de la Picharlerie (maquis-école) qui abrite le Groupe «Toussaint», les hommes de Montaigne participent aux combats. Parmi ceux qui suivent « Bir Hakeim » dans son repli vers l’Aigoual et La Parade, beaucoup vont trouver la mort le 28 mai lors du combat de La Parade et le 29 mai lors du massacre des prisonniers à la Tourette, près de Mende. Ainsi, Fred Bucher, l’un des 5 antifascistes allemands de St Chély et de Bonnecombe sera tué à La Borie.
Les rescapés regroupés par Otto Kühne dans la Vallée Longue forment avec d’autres étrangers la 104ème Compagnie FTP-M0I. En juin, Kühne devient responsable militaire des Francs-Tireurs et Partisans – M.O.I. du Gard, de la Lozère et de l’Ardèche sous le surnom de colonel Robert.
En août 1944, sa brigade fait partie des premiers FFI à libérer Nîmes.
Le 4 septembre 1944 lors du défilé de la Libération dans la ville, 3 hommes de la 104ème Compagnie ont été choisis pour marcher en tête du cortège.
Les étrangers ont donc combattu le nazisme dans les FTP-MOI ou dans les maquis aux côtés de Français, et ont participé activement à la Libération de la France. De tous les partis, de toutes les religions, de toutes les nationalités, des étrangers ont aidé les Français, à toujours résister et à ne jamais accepter le racisme et l’inhumanité. N’oublions jamais tous ces hommes, qui ont pris de grands risques pour protéger la Liberté et la Tolérance.